Un écrivain danois célèbre découvre l’œuvre d’André Sugnaux
L’écrivain danois Jens-Martin Eriksen, auteur du livre « Anatomie d’un bourreau », a rencontré André Sugnaux, artiste bien connu dans notre commune, dont la dernière exposition, « Passions russes », présentée l’année passée au Musée gruérien a connu un vif succès. Pour Jens-Martin Eriksen, la découverte de l’œuvre d’André Sugnaux a été une révélation qui l’a incité à le rencontrer. Il a ensuite écrit un article dans une revue d’art danoise.
A la lecture du texte de l’écrivain danois, on se trouve à la croisée des chemins d’une œuvre littéraire et d’un travail pictural dont la thématique est la violence des régimes totalitaires. A propos des goulags, Jens-Martin Eriksen écrit : « André Sugnaux ne cherche pas à comprendre la folie politique qui a créé l'extrême oppression en Russie. Il possède une collection ethnographique qu'il a constituée après de nombreux voyages en Sibérie orientale, dans l'archipel du Goulag, où il a été admis comme membre de l'Union des artistes russes à la fin des années quatre-vingt. Tout est soigneusement rangé dans des boîtes avec des autocollants et des descriptions des effets individuels. Je prends en photo un manteau de cuir ayant appartenu à un officier du KGB, objet emblématique de l'oppression qui a ravagé la Russie depuis la révolution et qui est maintenant revenue comme un cauchemar depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine. »
Les peintures nées des séjours d’André Sugnaux en Russie ravivent la mémoire de l’écrivain : « J'ai aussi vu ce que signifie l’oppression dans le camp de prisonniers S21, à Phnom Penh, au Cambodge que j'ai visité il y a une douzaine d'années alors que j'écrivais sur la révolution des Khmers rouges. Là, à peu près tout est resté debout. Les chambres, les lits métalliques, les instruments de torture, tout semble intact, de sorte que les visiteurs ont l'impression de vivre les événements historiques immédiatement après leur arrêt. »
Revenant au travail de mémoire d’André Sugnaux, Jens-Martin Eriksen écrit : « Le peintre me dit qu'il garde les choses comme des reliques sacrées, comme certaines qui lui rappellent sans cesse les souffrances subies par les victimes et qu'il essaie d'immortaliser à travers son art. C'est pour lui un acte sacré, où les choses sont des talismans et où ces témoignages de souffrance lui donnent la certitude d'être proche de Dieu et de travailler pour lui. Son œuvre est un acte de mémoire envers ces victimes qu’il considère comme des saints lorsqu'il les recrée sur des toiles peintes avec la technique de l’icône russe. »
Pour l’écrivain danois, l’œuvre picturale d’André Sugnaux exprime la violence d’un régime totalitaire. Ses tableaux, sans être réalistes, montrent toute la souffrance des déportés. Le calvaire enduré est symbolisé par des poteaux télégraphiques en forme de croix.
Dans son livre « Anatomie d’un bourreau », Jens-Martin Eriksen analyse comment un soldat a pu commettre le pire en obéissant aveuglément aux ordres de ses supérieurs. Un livre d’une brûlante actualité qui établit un lien indissociable avec l’œuvre picturale d’André Sugnaux. Le peintre et l’écrivain témoignent à leur manière d’horreurs que l’on ne pensait plus voir, horreurs qui, malheureusement, se produisent depuis des temps immémoriaux. Pour Jens-Martin Eriksen, André Sugnaux revisite à sa manière les souffrances symboles du Golgotha.
La collection constituée lors des voyages en Sibérie doit être reprise par le musée d’ethnographie de Genève. Cela montre la grande valeur du travail de mémoire de l’artiste tout comme l’intérêt de Jens-Martin Eriksen pour son œuvre pictural.